Faut-il sauver le soldat Woerth ?
Le cas d’Eric Woerth s’est singulièrement compliqué avec son mensonge sur les liens qu’il entretenait avec Patrice de Maistre. Même si l’on peut admettre qu’un député signe sans doute beaucoup de courrier et qu’il pouvait ne pas forcément se souvenir de celle qu’il avait adressée pour soutenir la candidature du gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt à la légion d’honneur, il lui revenait de bien étudier ses archives avant d’affirmer qu’il ne l’avait pas soutenu. Cela lui aurait fait l’économie d’un mensonge qui met légitimement sa parole en question sur l’ensemble du dossier.
La majorité se met toute seule dans des positions impossibles, comme l’illustre bien le remplacement d’Eric Woerth comme trésorier de l’UMP par Dominique Dord. Même si le fait que ce dernier ait travaillé deux ans chez L’Oréal il y a fort longtemps, n’est sans doute qu’un détail insignifiant et ne porte pas à mal, il est plus que maladroit de retenir un candidat qui présente une telle ligne dans son CV dans le contexte actuel, d’autant plus que sa belle-mère habite dans le même immeuble que… Patrice de Maistre. Quelques soient ses qualités, une telle nomination est incompréhensible.
En laissant Eric Woerth en première ligne du dossier des retraites, Nicolas Sarkozy semble ne pas vouloir désavouer son ministre et celui qui fut son trésorier. Il faut dire qu’il est sans doute trop tard pour céder à la pression médiatique. Soit il fallait agir vite pour stopper la polémique, soit il faut tenir pour ne pas se déjuger. Mais s’il venait à le chasser du gouvernement lors du remaniement, il n’y gagnerait sans doute pas grand-chose tout en semblant admettre une grave erreur.
De l’eau dans le vin de la réforme des retraites ?
Le scénario à venir semble écrit d’avance, comme lors de la réforme des régimes spéciaux : le gouvernement va faire des concessions importantes sur des détails trop techniques ou complexes pour que l’opinion en ait pleinement conscience tout en conservant le principe du passage à 62 ans, qu’il ne peut pas abandonner sous peine de perdre toute crédibilité. En effet, s’il avait obtenu l’alignement des durées de cotisation, c’est en compensant largement par des hausses de salaire sur les deux dernières années, le tout en conservant un calcul de la pension sur les six meilleurs mois…
Bref, Nicolas Sarkozy n’est pas le grand réformateur qu’il prétend être. Sa réforme n’est guère radicale puisqu’elle ne doit restaurer l’équilibre qu’en 2018 et reposera sur une contribution publique complémentaire alors que la réforme de 2003 devait régler les problèmes jusqu’en 2020 (avant que la crise ne bouleverse les échéances). Même le passage de 37,5 à 40 ans de cotisations de la réforme Balladur est en un sens plus radical que ce que propose aujourd’hui le gouvernement. En outre, les choix faits (privilégier l’âge de départ à la durée de cotisation) posent un problème de justice.
Il est fort probable que Nicolas Sarkozy obtiendra le passage à 62 ans du départ à la retraite mais il cèdera sans doute pas mal sur d’autres questions importantes pour un syndicat pour obtenir son accord et quelque soit l’équilibre ou même la justice de la réforme, elle passera.
Laurent Pinsolle